mercredi 18 août 2010

Aucune raison de se réjouir...

Il est vraiment difficile de rédiger une carte blanche ou un billet d'humeur sur la situation politique actuelle et l'évolution des négociations gouvernementales, tellement tout semble aller à l'encontre d'un véritable projet fédéral ambitieux. En effet, en dehors du fait que peu d'informations ne filtrent (ce qui montre une certaine volonté d'aboutir de la part des négociateurs) et qu'on ne peut dès lors vraiment juger de ce qui est sur la table, ce qui ressort des discussions est à des années lumières d'une vision moderne de nos institutions, telle que portée par BPlus ou défendue dans mon livre. Je m'explique:

1) On commence à trancher dans la solidarité interperssonnelle en scindant les allocations familiales et les soins de santé. Même si le financement reste fédéral, on touche au coeur même de ce qui lie les citoyens de ce pays entre eux. Non seulement cela se ferait (le conditionnel reste de mise) contre l'avis de l'ensemble des syndicats et des mutualités (francophones et flamands) mais je me demande comment le PS, le CDH, Ecolo, voire le SPA et Groen! vont faire passer ces mesures dans leurs assemblées générales respectives! Un enfant francophone ne vaudrait finalement plus autant qu'un enfant flamand?

2) Cette 6e réforme de l'Etat se prépare et s'articule comme les 5 précédentes: sans aucune vision à long terme ou manière différente (voire créative... mais là je rêve sans doute) d'aborder les problématiques. On va donc continuer à découper un peu plus la "tarte fédérale", les Francophones s'attachant juste à freiner au maximum les ardeurs flamandes. On va donc découper un peu la justice, un peu la Sécu, un peu la fiscalité, refinancer (un peu ?) Bruxelles et trouver un accord boiteux sur BHV. La plupart des compétences vont continuer à être exercées à la fois par le fédéral et les Régions (ou les Communautés) et l'efficacité ou la plus-value pour le citoyen n'est absolument pas prise en compte. Il est par exemple scientifiquement injustifiable de prétendre que le remboursement des soins de santé (un système d'assurance donc) sera plus solide si on diminue le nombre de cotisants.
Parfois, on a l'impression que les Francophones veulent faire un deal juste pour avoir la paix pendant 15 ans. Quelle vision à long terme ambitieuse! Pour ma part, je suis franchement partisan d'une refonte plus profonde de notre système fédéral qui tienne en compte de la cohérence des "paquets de compétence" et de la pérennité financière du système. Autant je m'oppose à tout transfert concernant la solidarité interpersonnelle, autant j'estime qu'il faut responsabiliser financièrement les Régions sur les compétences qui leur sont transférées et revoir la loi de financement fédéral (je suis donc d'accord avec les Flamands là-dessus). A ce propos, voici deux excellent articles sur le sujet (un FR et un NL, pour garder la parité!): http://www.standaard.be/artikel/detail.aspx?artikelid=3T2U52HG&kanaalid=1597 (sur le financement de l'Etat fédéral) et http://blog.pickme.be/2010/08/17/la-salopette-du-plombier-ne-sied-pas-a-di-rupo/#more-2628 (sur la refonte profonde du système).

3) Last but not least, aucune proposition de renforcement de notre système fédéral ne semble être mise sur la table. Quid de la refédéralisation de certaines compétences (commerce extérieur en tête), de la circonscription électorale nationale, de la Commuanté urbaine ou de la réforme (et non de l'abolition!) du Sénat? Je me rends bien compte que ce sont surtout les partis francophones qui devront pousser pour obtenir ce genre de mesures. Et alors? Ils peuvent bien aussi obtenir certaines compensations et surtout, c'est le moment ou jamais!

Tous les points de vue précités m'apparaissent tellement peu pris en compte par nos élus ou mis en valeur dans les médias (certainement francophones) que je dois avouer que cette potentielle 6e réforme de l'Etat me laisse déjà un goût extrêmement amer en bouche...

5 commentaires:

  1. Très bon article, bravo. Moi qui croyais que Bplus était favorable à une vidange massive de l'état en prétendant -à tort- que ça allait le sauver. Je vais revoir mon jugement.

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  2. N'est-ce pas ce qu'on appelle un compromis à la belge, que nos politiciens vendent ici et ailleurs comme la meilleure manière de faire de la politique ?
    boîteux, bancal, branlant, biaisé ... belge ?
    Depuis quelques années, ce sont plutôt des solutions " à la mords-moi le noeud" qui sortent des négociations.

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  3. la dernière expression étant, je trouve, totalement adéquate, au vu des goûts vestimentaires de notre "pré-formateur".

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  4. @ Ginette: ça n'a rien d'un compromis, puisque là, tous les partis suivent aveuglément la N-VA. Elle dirigerait toute seule que ce serait quasiment pareil.

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  5. Bref, on gestionne au jour le jour sans jamais regarder l'horizon ; hélas il n y a pas que les questions institutionnelles qui sont gérées de la manière. Quid energie, justice, pensions ?

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